Prise de position de déi Lénk au sujet de l’organisation scolaire 2016-17 à Luxembourg-Ville.

Nous tenons à remercier d’abord  Madame l’Échevine Colette Mart pour son rapport et son engagement pour l’école publique à Luxembourg-Ville. Un grand Merci aussi à toutes celles et à tous ceux qui, dans les différents domaines de l’organisation scolaire de notre ville, contribuent au bon fonctionnement des écoles, des foyers scolaires et des autres services en rapport avec l’éducation et l’instruction de nos enfants.

Il y a beaucoup de positif, mais aussi du négatif dans les rapports qui nous ont été présentés vendredi passé; faute de temps, nous avons fait un choix parmi la multitude d’éléments que nous pourrions relever. A noter qu’à côté des points que j’aborderai, mon ami Joël Delvaux évoquera encore l’intégration de classes de l’Enseignement différencié (EDIFF) dans certaines écoles de la Ville.

Je  voudrais d’abord saluer la bonne nouvelle relevée par Madame Mart que les foyers scolaires s’ouvriraient progressivement aux enfants du précoce, à commencer par les foyers  de Beggen, Limpertsberg et Rollingergrund. Le collège échevinal revient ainsi sur une mauvaise décision qui avait été prise il y a plusieurs années par la majorité actuelle.
Cette décision pénalise les parents qui travaillent et qui ne peuvent récupérer leurs enfants à l’heure de midi.  Elle ne leur laisse pas d’autre choix que de ne pas envoyer leurs enfants au précoce, mais de les placer dans une crèche privée ou auprès d’une “Mama”, ce qui va à l’encontre de la politique d’intégration au niveau des langues, voulue par le gouvernement.
Ainsi l’ouverture des Foyers scolaires pour les enfants de 3 ans constitue aussi une action promotionnelle pour l’école publique. En effet, grâce au premier contact au niveau du précoce, nombre de parents seront gagnés pour l’enseignement fondamental de la Ville.

Pourtant,  vu l’insuffisance de places disponibles dans les foyers scolaires, un long chemin reste à parcourir pour redresser la situation actuelle, tant au niveau des investissements qu’au niveau du personnel à engager. Dans ce contexte, je voudrais poser la question, quelle est la situation quant aux listes d’attente. Nous n’avons pas reçu d’informations à ce sujet.

Nous accueillons très positivement aussi la mise oeuvre du Projet “Ganzdagsschoul” dans le quartier de la Gare . A noter que la Ville d’Esch dispose d’une telle école depuis longtemps et le Comité de cogestion avait déjà présenté un concept très évolué en 2006.
Mais enfin,  tout est bien qui finit bien.

Nous saluons aussi le projet “Bëschspillschoul” et le fait qu’une formation spécialisée pour les enseignants intéressés a démarré cette année!

Nous estimons hautement le travail énorme accompli par le service Médical des Ecoles de la Ville et ses interventions malheureusement de plus en plus nombreuses pour protéger des enfants en détresse. 242 enfants étaient impliqués l’année passée dans ces interventions. Ces actions en urgence, ainsi que les nombreuses activités pour améliorer la santé des enfants de nos écoles montrent à quel point le service médical est indispensable.
Parmi ces activités du service figure l’atelier“Movin’Kids”, destiné aux enfants présentant un problème de poids. Nous soutenons la proposition de proposer les activités de cet atelier déjà pour les enfants avant l’âge de 8 ans.

Un problème grave, qui n’a pas été évoqué dans les rapports, est l’afflux de demandeurs de protection internationale. Un groupe de travail “Scolarisation future d’enfants ‘Demandeurs de Protection internationale’ (DPI)” fonctionne depuis  janvier de cette année au niveau de la Ville. Il regroupe une trentaine de personnes impliquées au niveau national ou communal et il s’est réuni 4 fois depuis lors. Sans entrer dans le détail des discussions, le principal message, c’est qu’il y a unanimité au sein de ce groupe pour intégrer le plus rapidement possible les enfants DPI dans les classes normales de la Ville et cela  le plus près possible de leur lieu d’habitation.

Par ailleurs, il faudra s’attendre à l’arrivée au pays de 500 personnes ayant obtenu le statut de réfugié – on parle alors de ‘Bénéficiaires de Protection internationale’ (BPI) -, que le gouvernement a accepté de reloger (refugee resettlement). Nous ne savons pas, combien d’enfants figureront parmi ces 500 personnes.

Le service de l’Enseignement de la Ville devra donc prendre les mesures de scolarisation  nécessaires à l’égard des enfants DPI et BPI.  A noter qu’à côté des deux leçons que le MEN accorde à chaque commune par enfant DPI ou BPI pris en charge, seulement 100.000 €  sont prévus dans le budget 2016 de la Ville pour l’intégration en général.

Pour assurer une transition fluide de ces enfants dans les classes normales de l’enseignement fondamental de la Ville,  il faudra prendre systématiquement contact avec leurs parents et préparer les enseignants, notamment à travers des formations sur l’histoire et la culture des pays d’origine.

Je reviens aux rapports que nous trouvons dans le fascicule des services en relation avec l’enseignement, que nous avons reçu vendredi passé. Parmi ces rapports, celui des éducatrices et éducateurs gradués dans les écoles de la Ville est particulièrement critique

et il exprime un grand mécontentement à trois égards:

  • une instruction ministérielle a dévalorisé dramatiquement le travail lors les weekends socio-éducatifs;
  • les postes d’éducateurs sont souvent à cheval entre plusieurs bâtiments et ne permettent pas une observation régulière et approfondie, qui est pourtant primordiale pour un travail socio-éducatif de qualité;
  • les attentes vis-à-vis des éducateurs ont augmenté, alors que le nombre de postes reste stable ou diminue même.

Nous pensons que tout cela est dû au fait que depuis 2009, la Ville a perdu son autonomie en matière de recrutement de personnel scolaire, tant pour les instituteurs/trices que pour les éducateurs/trices et que la Ville ne réussit pas à imposer ses besoins au niveau du MEN, malgré l’insistance de la Commission scolaire et l’intervention de Madame Mart.
Récemment encore, tous les membres de la Commission scolaire étaient d’accord pour demander la présence de personnel médical dans les écoles publiques, comme il est de rigueur dans l’enseignement privé, et l’intégration d’un(e) infirmier/ère dans les équipes pédagogiques. Le MEN a refusé cela, alors qu’il demande parallèlement de mettre en oeuvre dans chaque commune un plan d’accueil individualisé à l’intention des enfants nécessitant des prises régulières de médicaments.

Cette  mainmise du MEN nous amène à parler du handicap majeur au niveau de l’organisation de l’enseignement fondamental de notre Ville :  ce handicap est le contingent introduit par la loi scolaire de 2009. Cette loi a “étatisé” l’enseignement fondamental à travers le recrutement du personnel des écoles communales par le Ministère.
Par là, l’autonomie communale en matière d’organisation de l’enseignement fondamental a en fait été détruite. Sous le prétexte que toutes les écoles devraient être traitées de la même façon, ledit contingent est en train de réduire progressivement le montant des heures de cours allouées à l’ensemble des écoles du pays. Cela a commencé en 2009/10 et cela durera jusqu’en 2019/20.  Pour certaines communes, qui étaient en retard en matière de qualité scolaire,  le contingent a présenté un avantage au cours des premières années de son application, mais au fur et à mesure que le système se met en place, elles seront elles aussi affectées négativement.  L’objectif est de parvenir jusqu’en 2019 à une moyenne de 16 élèves par classe.  Cette moyenne  est inscrite dans le règlement grand-ducal du 18 février 2010  et non dans la loi elle-même.  Pour la Ville de Luxembourg, qui a joué jusqu’en 2009 un rôle pionnier en matière scolaire, cette réduction progressive et systématique du nombre des leçons allouées est encore plus contraignante et les difficultés s’accroissent d’année en année.

Pour l’année scolaire à venir, l’application du contigent implique pour notre Ville

  • un total 10.715 leçons disponibles pour l’organisation scolaire, contre 10.762 leçons l’année passée;
  • 4 classes en moins pour 100 élèves en plus;
  • une augmentation des effectifs de classes de 13,78 en moyenne pendant l’année scolaire en cours, à 14,22 élèves par classe l’an prochain.

Il faut remarquer ici qu’on est bien loin encore de la moyenne de 16 élèves par classe, inscrite dans le réglement grand-ducal et que déjà avec 14,22 élèves par classe en moyenne dans les écoles de la Ville, il y aura l’année scolaire prochaine  26  classes avec 18 élèves et plus, dont 3 avec 20 élèves et plus.

En faisant disparaître les petites écoles de quartier au profit de grandes écoles centrales comptant plusieurs classes par cycle, on peut certes devenir plus flexible au niveau des effectifs, mais cela a pour conséquence que nombre d’ enfants doivent être amenés par bus et ne peuvent plus fréquenter un établissement scolaire près de chez eux.
Cela pose problème surtout pour les plus petits.
Nonobstant les efforts entreprise dans ce sens, l’organisation scolaire de la Ville devient chaque année plus difficile et pour ne pas faire augmenter encore davantage le nombre d’élèves par classe, les différentes écoles puisent de plus en plus dans le contingent des leçons d’appui, qui sont inclus dans le contingent général sous la dénomination “encadrement selon l’indice social”.

Je lis dans le rapport du comité de cogestion paru il y a quelques jours:  “Ce n’est pas de gaîté de coeur que les enseignants ont supprimé les cours d’appui ou constitué des regroupements d’élèves dépassant la vingtaine. Ce ne sont d’ailleurs que les écoles les plus grandes qui peuvent actuellement encore se permettre des cours d’appui et des effectifs de classes se situant dans une fourchette favorable entre 13 et 17 élèves par classe. La plupart des autres écoles doivent effectuer des choix douloureux créant des situations difficiles à gérer.”

Sous ces conditions, l’école publique réussit de moins en moins à faire face aux difficultés grandissantes qui se présentent tous les jours en classe face à un nombre de plus en plus important d’enfants problématiques, alors qu’on lui demande de les intégrer tous.
Par ailleurs la présence de 60% d’enfants non luxembourgeois dans les écoles publiques fondamentales à Luxembourg-Ville présente un défi permanent en matière linguistique.

Le chef du service de l’enseignement  de la Ville écrit dans son préface au rapport d’activités  de cette année:  Wéi den Educatiounsminister et fir d’Schoulrentrée 2015 scho gesot huet: “Mir schwätzen Zukunft. Méisproocheg, differenzéiert, kandgerecht”, oder och nach ” die Schule baut Brücken, ignorieren wir die gesellschaftliche Entwicklung, führen diese Brücken ins Leere”.

Et il poursuit en mettant en évidence la  nécessité pour l’école publique, gratuite et intégrative d’être à la pointe, notamment face à la concurrence des écoles privées, souvent payantes et sélectives: “Just an deem Sënn gëllt et permanent déi ëffentlech Schoul ze optimiséieren. Si erlieft eng gewësse „concurrence déloyale“ vun de Privatschoulen, well déi kënnen sech einfach d’Recht eraushuelen Schüler ze refuséieren déi hinnen net genehm sinn (Komportementsproblemer, spezifesch Besoin’en, …). 

Or cette concurrence privé-public n’existe dans aucune autre commune du pays et les membres de la commission scolaire ont maintes fois insisté à ce que les écoles fondamentales de la Ville disposent des moyens nécessaires pour faire face aux problèmes qui se présentent journellement en classe. Sinon, il ne faut pas s’étonner que de plus en plus de parents s’en détournent et envoient leurs enfants dans le privé. A noter qu’actuellement déjà, 46 % des enfants ne fréquentent pas une école fondamentale de la Ville. Ce chiffre augmentera encore, si on ne donne pas les moyens nécessaires à l’école publique pour faire son travail correctement. Je voudrais insister qu’il s’agit là d’une problématique qui ne pourra être résolue à travers une campagne de relations publiques en faveur de l’école publique.

Le Ministère propose maintenant de recruter 150 enseignants spécialisés au niveau national au cours des prochaines années, qui se déplaceraient dans les classes à la demande des instituteurs/trices pour s’occuper des élèves présentant des difficultés particulières.
Même si nous  imaginons déjà la paperasserie autour de ces demandes pour bénéficier d’une aide et que cette aide tardera probablement à venir au bon moment, nous ne sommes pas contre le recrutement d’enseignants spécialisés pour s’occuper d’enfants problématiques dans les classes. Nous refusons pourtant que  cela se fasse aux dépens des heures de classe alloués pour l’enseignement régulier.

Les représentants  des parents dans la commission scolaire étaient d’ailleurs les premiers à se montrer étonnés que les effectifs des classes continueront à augmenter à augmenter en 2016-17,  alors que le ministre avait annoncé de recruter des enseignants supplémentaires . En réalité, ces 150 postes seront 30 postes l’année prochaine au niveau du pays tout entier et la Ville aura probablement droit à 10% d’entre eux, c’est-à-dire 3. Quel progrès!

En tant que déi Lénk, nous savons bien que la situation légale actuelle ne permet pas à la Ville de récupérer à moyen terme son autonomie en matière de recrutement de personnel.

Nous pensons néanmoins qu’il est possible de sortir rapidement de la détresse actuelle en modifiant le règlement grand-ducal qui définit le contingent dans le détail.

Nous constatons aussi que toutes les fractions de ce conseil demandent que le MEN tienne compte des nouveaux défis de l’école fondamentale et de la situation spécifique de la Ville . Nous pensons dès  lors qu ’il est nécessaire de signaler cette volonté de manière concrète.

C’est l’objectif de la motion que nous présentons aujourd’hui. Elle invite  les membres du collège échevinal et du conseil communal de la Ville qui sont en même temps député-e-s, c’est à-dire Madame Polfer, Madame Beissel, Madame Loschetter, Monsieur Angel, Monsieur Mosar et Madame Mergen, à prendre leur responsabilités.

Nous proposons dans cette motion qu’ils s’engagent ouvertement pour une modification du règlement grand-ducal du 18 février 2010 qui détermine les modalités d’établissement du contingent, en exigeant un abaissement de l’effectif moyen par classe de 16 à 14 élèves à l’indice 100 au niveau de l’encadrement de base. (Cela est fixé dans l’art. 4 de ce règlement).

Il en résultera une augmentation proportionnelle du taux d’encadrement du contingent.

En attendant cette modification du règlement, la motion demande aussi au collège échevinal de la Ville d’insister auprès du ministre de l’Éducation nationale qu’il maintienne pour les écoles fondamentales de la Ville le taux d’encadrement de l’année scolaire 20015/16 pour la fixation du contingent de l’année 2016/17.

Cette motion devrait être mise au vote aujourd’hui même ou lundi prochain.

Luxembourg, le 24 juin 2016 – Guy Foetz, conseiller communal déi Lénk

Motion de soutien d’une augmentation du contingent de leçons

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